Mohamed BOUROUISSA - exposition à Charlottenborg
Cet automne, le centre d'art Charlottenborg présente une exposition solo de l'artiste franco-algérien Mohamed Bourouissa. Son travail se situe entre documentaire et fiction et se sert de la photographie et de la musique hip hop pour mettre en focus la périphérie de la société et la manière dont les médias présentent la jeunesse multiethnique.. Il a exposé partout dans le monde et l'année dernière il était le lauréat du Prix Deutsche Börse Photography Foundation Prize.
L'exposition à Charlottenborg présente une sélection d'œuvres nouvelles et anciennes et se compose de vidéos, d'œuvres sonores, d'installations et de photos. Oy trouve la vidéo Temps Mort (2008–09), où l'artiste échange de messages et de photos par smart phone avec un ami en prison, les portrait de culture de jeunesse dans le centre de Paris dans Nous Sommes Halles (2003-5) et des mises en scène de la vie dans les banlieues inspirées des oeuvres iconiques de l'histoire de l'art dans la série Périphéries (2006-08).
L'œuvre Hara s'inspire des expressions « hara » et « aouin », très populaires à Marseille, qui sont l’apanage des guetteurs postés autour des lieux de vente de drogue. Ils les scandent pour prévenir de l’arrivée de la police afin d'éviter aux dealers de se faire alpaguer. Mohamed Bourouissa se saisit de ces formules quasi incantatoires pour mieux les tordre en imaginant une pièce sonore à la fois poétique et politique. Transformée, déformée au point d’en être désormais inaudible, la locution se fait abstraite, devient cette autre chose mêlant au concept de poésie concrète la forme esthétique du rap. Une mélopée, un chant d’oiseaux qui doit être compris comme une alarme. Prenant acte du climat d’hyper contrôle constitutif de la violence qui prévaut dans les sociétés contemporaines, l’artiste renverse ici les codes pour faire du signal détourné des guetteurs, le cri symptomatique d’une prise de conscience. Le mot étiré à l’extrême devient un simple son, éminemment minimal. Répété tel un mantra, il conduit à une forme de transe, réveille une théurgie ancestrale.
La pièce sonore de Mohamed Bourouissa se comprend comme la matérialisation parfaite du Cri de Munch, celui qui dévisage, qui exprime l’effroi, agit comme un électrochoc, réveille l’humanité. C’est cette figure du peintre norvégien à l'expressionnisme torturé que convoque l’artiste pour en faire le lanceur d’alerte de l’état présent. Les ondes sonores, complaintes devenues antiennes, se font parfois le vague écho d’une expression si populaire qu’elle emplit, de voix en voix, les rues des quartiers de Marseille. Elle sonne ici le tocsin. Avec une infinie délicatesse, Mohamed Bourouissa nous invite à prendre conscience du monde tel qu’il est.
Les œuvres Horse Day (2014–15) et Brutal Family Roots (2020) font aussi partie de l'exposition.
Mohamed Bourouissa (né en 1978 à Blida, Algérie) vit et travaille à Paris. Il a exposé un peu partout dans le monde avec des solos au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, à Barnes Foundation en Philadelphie, Stedelijk Museum à Amsterdam, Haus der Kunst à Münich et dernièrement Goldsmiths CCA à Londres. Il a participé à des expositions collectives y compris les biennales à Sydney, Sharjah, Havana, Lyon, Venise, en Algérie, Liverpool et Berlin. E 2018 il était parmi les nominés au prestigieux Prix Marcel Duchamp, et en 2020 il a remporté le Deutsche Börse Photography Foundation Award.
L'exposition HARa!!!!!!hAaaRAAAAA!!!!!hHAaA!!! à Charlottenborg est la première exposition solo de Mohamed Bourouissa en Scandinavie, préparée par la commissaire Henriette Bretton-Meyer en étroite collaboration avec Goldsmiths CCA à Londres.